En 2020, les maires vont-ils regagner un peu de pouvoir face à la CCHB ?


Mai 1975. Tout juste recruté par le district de la zone de Lacq, je vais me présenter au maire de chacune de 16 communes qui composent le district, cet ancêtre de nos communautés de communes. Si l’accueil est plutôt cordial, je sens néanmoins chez certains d’entre eux, notamment chez les maires des communes riches des redevances tirées de l’exploitation du gisement de gaz, quelques réserves sur ce district qui vient de se créer. L’un d’entre eux, le maire d’Abidos, résumera ainsi un sentiment largement partagé : « Si ça continue, il ne va plus rester à nos communes que le bureau d’aide sociale à gérer ». Pour les plus jeunes des lectrices et lecteurs du blog : il y a 45 ans, le « bureau d’aide sociale » était ce que l’on appelle maintenant le C.C.A.S.

Si l’anecdote ne me rajeunit pas, elle montre bien que ce n’est pas d’aujourd’hui que les maires ont l’impression d’être peu à peu dépossédés de leurs pouvoirs par leur intercommunalité. À une époque, la nôtre, où le regroupement des communes se poursuit à marche forcée, il n’était donc que temps de réagir.

Elle a été promulguée par le président de la République le 27 décembre, en pleine trêve des confiseur, depuis le fort de Brégançon. Elle a été publiée au Journal officiel de la République française dès le lendemain. Elle compte 118 articles. Elle, c’est la loi « relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique » sur laquelle tous les candidats aux prochaines municipales seraient bien inspirés de se pencher.

Cette loi se décline en 8 titres, mais nous nous intéresserons aujourd’hui à un seul d’entre eux, le titre Ier, à l’intitulé évocateur : « Libertés locales : conforter chaque maire dans son intercommunalité ». Il n’est bien évidemment pas question ici de reprendre dans le détail le contenu de ce titre Ier, mais plutôt de regarder comment, concrètement, il parvient par ses dispositions à atteindre son objectif, à savoir à rétablir la place de chacune de nos 48 communes au sein de la CCHB et la voix des maires dans le processus de décision.

Le pacte de gouvernance

Le président de la CCHB aura l’obligation, après les élections, d’inscrire à l’ordre du jour du conseil communautaire un débat et une délibération sur l’élaboration de ce pacte. Le pacte de gouvernance doit permettre aux élus de se mettre d’accord sur le fonctionnement quotidien de la communauté de communes. Il peut ainsi prévoir (une liste qui est loin d’être exhaustive) :

  • Les conditions dans lesquelles le bureau de CCHB peut proposer de réunir la conférence des maires pour avis sur des sujets d’intérêt communautaire ;
  • Les conditions dans lesquelles la CCHB peut, par convention, confier la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs de ses communes membres ;
  • La création de commissions spécialisées associant les maires ;
  • Les conditions dans lesquelles le président de l’établissement public peut déléguer au maire d’une commune membre l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires ;
  • Les objectifs à poursuivre en matière d’égale représentation des femmes et des hommes au sein des organes de gouvernance et des commissions de la CCHB ;

La conférence des maires

Sa création est obligatoire, sauf si le bureau de la CCHB comprend déjà l’ensemble des maires. Présidée par le président de la CCHB, elle comprend, comme son nom l’indique, tous les maires des communes membres. Elle se réunit, sur un ordre du jour déterminé, à l’initiative du président de CCHB ou, dans la limite de quatre réunions par an, à la demande d’un tiers des maires.

L’information des conseillers municipaux non-membres du conseil communautaire

Les conseillers municipaux qui ne représentent pas leur commune au sein de la CCHB peuvent avoir le sentiment d’être déconnectés des décisions prises au sein de l’intercommunalité. La loi fait donc obligation au président de la CCHB de les informer des affaires de l’établissement faisant l’objet d’une délibération.  Il doit leur adresser (par voie dématérialisée) une copie de la convocation adressée aux conseillers communautaires avant chaque réunion de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale accompagnée, le cas échéant, de la note explicative de synthèse. Si la conférence des maires émet des avis, ils leur sont également adressés.

Le pacte des compétences

Les maires se plaignent parfois (souvent ?) qu’avec la création de la CCHB leur commune a été privée d’une partie de ses compétences. La loi de 27 décembre 2019 prévoit, moyennant certaines conditions (majorité qualifiée notamment) que les compétences exercées par la CCHB et dont le transfert à cette dernière n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive peuvent, à tout moment, être restituées à chacune de ses communes membres. Est-ce à dire qu’il pourrait en être ainsi pour les écoles de musique d’Oloron ?

L’exercice des compétences en matière de tourisme est assoupli : les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme pourront « décider, par délibération et après avis de l’organe délibérant de la communauté de communes (ou d’agglomération), de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ». Il en est de même pour les communes touristiques non classées. Mais si elles veulent retrouver la compétence « promotion et création d’offices », elles devront obtenir l’accord de l’EPCI et des communes membres à la majorité qualifiée. Je rappelle que notre commune d’Oloron, classée commune touristique, est dans cette seconde situation.

Le transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes reste obligatoire au 1er janvier 2020, pour celles qui n’ont pas décidé d’un report à 2026. Et, n’ayant su trouver dans les délibérations prises par la CCHB la décision d’un tel report, je suis incapable de vous dire si notre intercommunalité se trouve dans cette situation. La loi prévoit aussi qu’une fois que les compétences eau et/ou assainissement lui auront été transférées, il restera possible à la communauté de communes, moyennant le respect de certaines modalités, de déléguer ces mêmes compétences à une commune ou a un syndicat.

Et le citoyen dans tout ça ?

L’une des dispositions de l’article Ier de la loi s’intéresse aux citoyens. Elle donne en effet obligation au président de la CCHB d’inscrire à l’ordre du jour du conseil communautaire qui sera issu des élections du mois de mars prochain « Un débat et une délibération sur les conditions et modalités de consultation du conseil de développement […] et d’association de la population à la conception, à la mise en œuvre ou à l’évaluation des politiques de l’établissement public. ». Il faut néanmoins rester réaliste sur cette volonté affichée de démocratie participative : si le contenu de la délibération n’est pas arrêté en concertation avec les principaux intéressés (les citoyens), cela restera lettre morte.

D’un autre côté, pourquoi les maires, qui n’y sont pas contraints par la loi, eux, ne s’inspireraient pas des mêmes dispositions pour faire voter en conseil municipal une délibération sur les conditions et modalités d’association de la population à la conception, à la mise en œuvre ou à l’évaluation des politiques de la commune ?

La place du citoyen dans la CCHB et dans la commune, voilà un sujet qui mériterait d’être au cœur de la campagne municipale qui ne saurait tarder à s’ouvrir.

Et pour répondre à la question initiale…

En 2020, les maires vont-ils regagner un peu de pouvoir face à la CCHB ? J’imagine d’ici la réponse du côté de la CCHB : « Pfff… vous croyez que l’on attendu cette loi du 27 décembre pour mettre en place ce pacte de gouvernance, pour informer les conseillers municipaux non-membres de la CCHB de nos travaux, pour mettre en place une conférence des maires ? ». De leur côté, qu’en pensent les maires ? Je serais heureux d’entendre leur réaction. En ayant malgré tout à l’esprit qu’au même titre que dans le domaine de la sécurité il ne faut pas confondre insécurité et sentiment d’insécurité, en matière d’intercommunalité il ne faut pas confondre sentiment de perte de pouvoir des maires et perte de pouvoir des maires.

4 réflexions sur “En 2020, les maires vont-ils regagner un peu de pouvoir face à la CCHB ?

  1. le Naif

    Mon « Petit Maire m’a dit »

    – La migration de mon pouvoir de maire vers l’intercommunalité semble être une des raisons du ras-le-bol que j’ai de cette fonction et c’est mon dernier mandat. Le « Petit Maire » des communes rurales va-t-il disparaitre ?

    – Dans la toute-puissance de l’intercommunalités et son évolution, devenue un gros machins avec pléthore de personnel qui ne connaissent pas les noms des maires de leur intercommunalité, a créé une grande souffrance. L’intercommunalités existe t’elle sans les communes ?

    – Le dérapage des finances intercommunales est aussi pointé du doigt, à commencer par leur répartition ou la majorité des financements vont aujourd’hui dans les communes gérées par des maires qui ont un fort pouvoir dans l’intercommunalité. Le transfert de l’économie à l’intercommunalité muselle, les petites communes et leur pouvoir de développement. La petite commune peut-elle toujours créer des projets validés par son conseil municipal ?

    Mon « Petit Maire m’a dit »

    – La gestion des projets par l’intercommunalités est réalisée en catimini par le président et les vice-présidents !
    – Avoir un rendez-vous avec le président et un parcours du combattant !
    – Si l’on n’est pas d’accord ou que l’on vote contre un projet, on est recadré et notre commune en pâtit ! A quand le vote à bulletin secret pour éviter les sanctions ?
    – Les communes qui n’ont pas de projets perdent des habitants !
    – A quand la transparence et la communication de tous les dossiers ou propositions de dossiers à tous les maires ?

    Toutes ressemblances ou similitudes avec la CCHB ne serait que fortuite ou …?

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    1. Coucou

      Il faudrait demander le nombre de commissions qui ont été organisées pendant 6 ans.
      Exemple: la commission petite enfance avec les élus délégués combien de réunions??, alors que les sujets auraient mérité .compétence scolaire, périscolaire , territorialisation de la compétence scolaire, création du GIP groupement d’intérêt public ( restauration centrale .
      La compétence santé : combien de réunion avec les délégués……
      Un nombre important de citoyen pose la question sur les fonctionnemnts de la
      com.com.
      Ordure ménagère: qui gère ?
      Piscine: on parle encore des piscines de lanne et d’oloron.
      Somport : combien de personnes savent que c’est la com. Com.
      Les bâtiments de la ville à la zone, c’est com.com, SICTOM,syndicat des gaves,ville d’oloron??
      Syndicat des gave! C’est quoi ça..
      Et combien de sujet que nous ne connaissons pas.
      Et un sujet capital: le numérique, quand on va sur le site du département Fibre 64 on decouvre que les intercos sont financeurs. Pas d’infos sur le sujet a la CCHB.
      il y a du travail pour informer les délégués! pour afficher les zones d’activités CCHB et pas CCPO, les bâtiments communautaires sur le territoire…
      Bonne recherche sur le patrimoine communautaire.

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  2. Christine

    « L’était un président qui allait au marché,
    Il portait sur sa tête des Lois dans un panier,
    Les Lois faisaient rouli roula (bis)
    Trois pas en avant,
    Trois pas en arrière,
    Trois pas sur l’côté,
    Trois pas d’l’autre côté »
    dit la chanson bien adaptée à cette nouvelle Loi du 27 Dec 2019 qui « semble » assouplir la Loi NOTRe de 2015 et redonner un peu de pouvoirs à nos maires. A vérifier de près…
    Christine

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